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9 novembre 2014 7 09 /11 /novembre /2014 19:31

Les promenades à Shanghai sont toujours des promesses tenues. 

A qui sait promettre, Shanghai est un petit paradis de stars en devenir. Les rues sont pleines de surprises à qui sait rêvasser, à qui sait pousser des portes, à qui aime musarder. L'hôtel que j'avais choisi se situait sur un territoire stratégique : dans la rue Xianggang, à deux pas du grand quai principal de la ville, mais en position de recul, au milieu de bâtiments construits dans les années 20 et 30 à moitié décatis.

Une ancienne banque, toute noire, se trouvait dans ladite rue, à l'étage de laquelle s'était improvisée une galerie d'art, opportunément baptisée The Bank. De jeunes artistes exposent ici, quelques uns sortent d'ailleurs du lot et me paraissent promis à un bel avenir, si tant est que mon jugement en la matière ait la moindre valeur. Impossible de savoir si cette galerie est officielle ou si c'est un squat précaire. Impossible de savoir si c'est un truc sérieux ou une entreprise hasardeuse lancée par des étudiants rêveurs. Il y a des chances pour que ce soit un peu tout cela à la fois. Une galerie improvisée, qui n'existe que le temps d'une exposition, et qui attirera peut-être un gros collectionneur en déshérance. 

Quelques rues plus loin, un autre bâtiment de 1930, la RAS (Royal Asiatic Society), s'est transformé à son tour en gallerie, appelée cette fois RAM (Rockbund Art Museum). Le RAM a laissé carte blanche à un seul artiste, quarantenaire et talentueux, pour investir les quatre étages du lieu. des clowns vivants se prélassent, dorment et réfléchissent dans des espaces vides, lumineux et colorés. Impression persistente de légèreté, de suspension, d'apesenteur. Belle ambiance et beau travail de peinture sur les murs, de vitraux sur les fenêtres. Bel endroit, qui n'existait pas lors de mon dernier passage il y a quelques mois. 

Cela fait plaisir, quand on aime l'art contemporain. Ici, à Shanghai, les gens n'ont pas froid aux yeux, et font à peu près n'importe quoi. On sait que des gens riches s'y promènent pour spéculer, acheter et vendre, alors tous les moyens sont bons pour exposer, se montrer, proposer. C'est la foire d'empoigne et le pire côtoie le moins pire. A mes yeux, c'est parfaitement réjouissant.  

Galerie The Bank, Xianggang lu, Shanghai.

Galerie The Bank, Xianggang lu, Shanghai.

Galerie The Bank, Xianggang lu, Shanghai.

Galerie The Bank, Xianggang lu, Shanghai.

RAM, Shanghai.

RAM, Shanghai.

RAM, Shanghai
RAM, Shanghai

RAM, Shanghai

RAM, Shanghai.

RAM, Shanghai.

Shanghai, vitrine de l'art contemporain
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6 novembre 2014 4 06 /11 /novembre /2014 15:35

Docteur JB est un acupuncteur du sud de la France. Je l'ai accompagné pour un voyage éclair en Chine. Comme le dit mon cousin Thomas, "au fond c'est ça ton truc, dans la vie : tu accompagnes, tu guides les gens. Tu les prends par la main et tu leur montres des trucs." C'est ça mon truc.

Cela faisait des années que je tannais JB pour réaliser ce voyage. Je lui faisais remarquer qu'il ne pouvait continuer à exercer l'acupuncture sans connaître la Chine. Pour des raisons familiales et professionnelles, il ne pouvait pas partir plus d'une semaine. Je lui ai concocté un petit séjour aux petits oignons. Outre les rencontres avec des médecins et thérapeutes, masseurs de pieds, poseurs de ventouses et piqueurs d'abeille, j'organisais les choses pour que JB sente la vie quotidienne des rues et des parcs. Qu'il s'imprègne de cette ambiance sympathique des ruelles, qu'il mange dans des boui-boui exquis, qu'il voie passer sans y toucher le corps admirable des femmes, qu'il contemple les vieux faire du taichi de bon matin. Qu'il hume la profonde sagesse des jardins.

Moi docteur en lettres, lui docteur en médecine. Moi précaire, lui confortablement installé. Moi célibataire, lui marié. Moi sans descendance, lui père de trois enfants. Moi amoureux de la Chine, lui familier de l'Inde. Nous étions bizarrement assortis, mais tout s'est très bien passé entre nous. J'ai eu le bonheur de le voir aimer la Chine et les Chinois. Je n'ai pas ménagé mes efforts pour cela, lui ai fait rencontrer des amis très charmants, ai commandé chaque jour des plats délicieux et variés. J'ai équilibré les journées entre tradition et modernité.

Mais c'est à lui-même qu'il doit d'avoir apprécié ce séjour si court. D'autres personnes ne se laissent pas toucher si facilement par les différences culturelles. JB partait avec un a priori assez fort sur les Chinois, mais il a su voir, en très peu de temps, le charme qui se dégage de leur pratique de vie au quotidien. En bon père de famille, il a été agréablement surpris de voir la tendresse qu'exprimaient les hommes pour les petits enfants. Il était très sensible aux ambiances et à tous les phénomènes de soins, de solidarité et de sociabilité. J'ai été très ému de l'entendre dire, au bout de quelques jours : "Ils s'occupent quand même beaucoup de leurs vieux, leurs handicapés et leurs aveugles. C'est curieux, cette mauvaise réputation qu'ils se trimbalent, pour un peuple aussi affable."

Le voyage des deux docteurs
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15 octobre 2014 3 15 /10 /octobre /2014 10:18

J'ai rencontré Rébecca sur une terrasse de café. Son vrai nom est Xiao Rui, mais elle se fait appeler Rébecca parce que "c'est plus simple". Elle fait une thèse de doctorat en philosophie. Je lui dis que j'ai entendu une théorie étrange à propos des femmes doctorantes. Elle rit, elle sait de quoi je veux parler.

En Chine, on dit des femmes docteur qu'elles appartiennent à un "troisième sexe". Ni femme, ni homme, juste docteur, c'est-à-dire sans aucune attractivité sexuelle. Rébecca, pourtant, est un exemple éclatant du contraire, elle qui, à trente ans passés, jouit d'u pouvoir de séduction dont personne ne doute. Son fiancé pas plus que les autres hommes qui la courtisent : son fiancé l'attend à Pékin et ils se marieront quand elle aura terminé sa thèse.

Dans le cadre de mon reportage sur les femmes célibataires en Chine, je n'ai pas seulement interviewé Rébecca, j'ai aussi eu a chance de recueillir la parole d'un homme, un docteur de l'université. Je pensais que nous serions d'accord pour dire que cette histoire de troisième sexe était une aberration qu'il fallait déconstruire.

"Car, dis-je, il y a beaucoup de femmes docteurs qui sont belles et attirantes...

- Ah, là, m'interrompt-il, je ne peux pas partager cette opinion."

Et de m'expliquer sans détour que les femmes trop intellectuelles n'ont pas ce charme que les hommes attendent des femmes.

Je n'en revenais pas qu'il ose dire cela dans le micro. Nous connaissons pourtant des femmes dans cette situation sociale et maritale. Sa tranquille assurance montre combien les idées reçues se sont imposées dans les pratiques sociales quotidiennes. Un discours conformiste mortifère qui prend les apparences d'une affaire de goût, alors qu'il s'agit d'une mise au pas infernale des femmes.

Une Chine qui voit sa population vieillir ne devrait pas stigmatiser ainsi ses femmes diplômées. Au contraire, elle devrait les montrer en exemple et favoriser les unions à tous âges, les unions interclasses, les unions variées et non traditionnelles.

Aujourd'hui où la Chine tente d'assouplir sa politique de l'enfant unique, afin que les jeunes urbains diplômés, de la classe moyenne, fassent plus d'un enfant, il serait évidemment plus logique de faire un autre message dans le corps social : les femmes docteurs ne sont pas des "femmes en surplus" appartenant à un sexe non identifié, mais elles sont des trésors à découvrir et à chérir.

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14 octobre 2014 2 14 /10 /octobre /2014 10:18

Ce que l'on m'a dit, lors de ce reportage, c'est que les femmes sans mari sont en général plutôt brillantes et puissantes. Loin d'être des fruits moisis, elles sont pleines de vie. Elles ont fait des études supérieures, elles parlent des langues étrangères, elles gagnent leur vie. C'est peut-être parce qu'elles n'ont pas besoin, matériellement, d'un mari, que les hommes ne s'intéressent pas à elles, ou se sentent menacées par elles.

La dernière personne interviewée dans mon reportage décrit la vie de ces célibataires comme assez malheureuse, frustrée et surtout, "étroite". J'ai trouvé cela terrible. Vous n'êtes pas mariée, votre vie est étroite.

Les témoignages d'hommes et de femmes sont formels : les hommes ne veulent pas de femmes trop brillantes. Ils ne veulent pas de femmes qui ont fait plus d'études qu'eux. Or, la Chine a besoin de cadres et de chercheurs, la Chine pousse les jeunes à faire des études. Dans cette tension-là, plus une fille fait d'études, plus elle restreint le nombre de prétendants potentiels.

L'un des paradoxes, dans cette affaires, c'est que j'entends parler de ces femmes sur un ton désolé. On les plaint, on ne parle d'elles que sous l'angle d'une absence : absence de mari, absence d'enfant, absence de bonheur. Outre que cela est parfaitement absurde tant on sait que les mariages sont malheureux la plupart du temps, ces jugements sont absurde et faux. Toutes les femmes chinoises célibataires que j'ai rencontrées sont au contraire des personnes intéressantes et charmantes. Il s'agit là d'un décalage intéressant car c'est la preuve que le discours normatif et socialement conventionnel s'impose envers et contre tout.

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13 octobre 2014 1 13 /10 /octobre /2014 08:56

L'émission "Détours" de la Radio télévision suisse (RTS) a diffusé mon reportage sur les femmes chinoises célibataires, celles qui sont désignées par l'expression de Sheng nü, "femmes en surplus", ou "femmes laissées de côté". Des témoignages et des interviews pris à Shanghai, à Nankin et en France

Détours est une émission de voyage et de reportages au long cours. Produite par Madeleine Caboche et Martine Galland, elle propose des documentaires radiophoniques d'une longueur confortable pour le reporter comme pour l'auditeur. C'est un des derniers endroits qui permet ce genre de plage de son et d'aventure. Dans le monde francophone, il n'y a guère que France culture et RFI qui persistent encore à diffuser des reportages de plus de trente minutes. Je suis donc particulièrement heureux de collaborer à cette émission de la chaîne publique helvète. J'y ai fait des reportages en Californie, en Irlande du nord, dans les Cévennes, au Brésil, mais je n'avais pas encore touché à la Chine.

Alors je leur ai proposé quatre reportages. Pour l'instant, un seul a été diffusé.

La question des femmes non mariées m'intéresse depuis longtemps. Je l'ai écrit sur ce blog et sur Nankin en douce, j'ai toujours été interloqué par la pression que se mettaient les femmes pour trouver un mari, autour de 25 ans.

Or, est apparue dans la société une expression qui stigmatise encore plus les femmes qui ne se marient pas après l'âge de 28 ou 29 ans, l'expression de "Sheng nü". "En surplus", "en rabe", "laissées de côté", comme si la vie à deux était désormais une chose perdue pour elles. "En reste", comme si elles n'étaient que les reliefs d'un festin, laissés intouchés par les convives, condamnés à moisir à l'écart.

Dans un pays qui compte beaucoup plus d'hommes que de femmes, c'est tellement incompréhensible que cela justifiait un reportage radiophonique.

http://www.rts.ch/la-1ere/programmes/detours/6169467-detours-du-08-10-2014.html

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6 septembre 2014 6 06 /09 /septembre /2014 10:23

Les Chinois sont en train d'apprendre à apprécier le vin. C'est une des missions que prend au sérieux la classe privilégiée de la société. Ils suivent des petits stages d'œnologie, où de charmantes hôtesses leur apprend à renifler, à déguster, à reconnaître les arômes.

 

Neige, qui était une brillante étudiante en français, a décidé de quitter l'enseignement et la recherche universitaire pour travailler dans le vin. Son employeuse possède une entreprise d'importation et de vente de vins occidentaux. Comme sa clientèle est la population aisée de Nankin, elle a développé un secteur "stage et formation", où les potentiels clients viennent apprendre l'art de la dégustation.

 

Neige m'a invité à assister à une séance de dégustation à l'aveugle avec son groupe d'"élèves". Ce n'était pas une séance de formation à proprement parler, mais plutôt une soirée de divertissement, une activité de club, pour entretenir la flamme parmi les membres de la congrégation.

 

Chacun devait apporter une bouteille de vin français et la recouvrir de papier aluminium. Ensuite nous devions goûter les vins et deviner ce que c'était. Mais le plus important était d'apprécier les arômes, le corps et l'équilibre. Après quoi, un tour de table était effectué pour évaluer le prix de la bouteille sur le marché chinois.

 

Car c'est le prix qui se révèle être le gros mystère de ce marché en expansion. Comme les Chinois n'y connaissent rien, et que boire du vin français est un signe extérieur de richesse, il arrive que des nouveaux riches friment en mettant en scène le prix des bouteilles plutôt que leur qualité. Des marchands en profitent et vendent à prix d'or des vins médiocres. Ou remplissent des bouteilles aux étiquettes prestigieuses avec du mauvais vin.

 

Le vin en Chine est donc un sujet passionnant, où tout est très mouvant : il faut apprendre à apprécier des goûts nouveaux, tout en sachant maîtrises des fluctuations de prix infernales et parfois irrationnelles.

 

Les entreprises d'importation de vin fleurissent, donc, et semblent avoir la vie assez dure. C'est un monde où les gens se méfient, et quand on n'a pas les reins assez solides, on dépose le bilan après quelques années. J'ai rencontré plusieurs entrepreneurs qui avouaient de pas encore être bénéficiaires.

 

Neige, elle, est heureuse dans son nouveau métier. D'abord elle s'est découvert une passion pour le vin et un talent pour la dégustation. Et puis elle rencontre des gens intéressants, des gens sympathiques, des gens qui, pour certains, ont fait fortune dans l'industrie, et aspirent à une culture plus raffinée. Avec son élégance naturelle, son sourire distingué, son élocution de lettrée, sa qualité de francophone, Neige leur apporte sur un plateau cette promesse de culture élitiste.

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4 septembre 2014 4 04 /09 /septembre /2014 10:03

Dès que j'ai posé le pied à Shanghai, je me suis senti chez moi.

 

Dès l'aéroport de Pudong, j'ai tenu à prendre le bus pour aller au centre ville. Je sais que la ligne 2 du métro permet de s'y rendre plus rapidement, mais je voulais voir les paysages, et l'urbanisation du grand est de Shanghai.

 

Pu Dong, cela signifie "Est de la rivière Pu" (ou Huang Pu). Et Pudong, c'est la grande ville nouvelle qui pousse, depuis les années 90, de l'autre côté du fleuve, par rapport au Shanghai historique. Les images habituelles de Pudong, ce sont des gratte-ciel et une forêt de tours.

 

Or, ce qui m'a surpris dans le bus, et même ému, c'est combien Pudong est resté agricole. Sur des kilomètres, entre l'aéroport et la ville, de nombreux petits champs vallonnés restent cultivés à l'ancienne, indifférents aux autoroutes aériennes qui passent au-dessus d'eux.

 

Arrivé sur la Pace du Peuple, je suis descendu du bus et j'ai eu l'immense plaisir de me retrouver devant le fameux pilier autoroutier entouré de dragons. La légende raconte que lorsqu'on a voulu construire ces nouveaux axes de transport, une maman dragon, enceinte, habitait précisément là, et qu'un moine bouddhiste a réussi à la convaincre de déménager, afin de continuer le chantier. La maman dragon a accepté, à condition que ses petits soient les maîtres du pilier central.

J'ai flâné au bord de ces grandes routes, car un petit peuple vit tranquillement, juste à côté des millions de voitures. Les petites boutiques ne sont pas plus perturbées par le trafic intense. Je m'arrête pour déjeuner dans un minuscule bouiboui : même pas une salle, mais un simple renfoncement dans la façade, où le cuisinier a à peine la place de disposer les différentes gamelles parmi lesquelles nous pouvons choisir pour garnir notre plateau.

 

J'ai perdu tout mon chinois. Je pointe du doigt ce que je veux, du riz, de la viande et des légumes. Le gérant me sert et me montre les billets que je dois donner. Je trouve un tabouret sur le trottoir et mange en compagnie de Chinois qui fument et me regardent sans être étonnés.

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9 février 2014 7 09 /02 /février /2014 13:42

 

ginger_rheims.jpg

 

Rien de tel que les photos d'art pour se rincer l'oeil.

 

wu-pei-ti_petit.jpg

 

Les photos de Bettina Rheims sur Shanghai redonnent à la métropole son lustre, et son cachet sulfureux des années 30.

 

bettina-rheins-shangai_01.jpg

 

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9 janvier 2013 3 09 /01 /janvier /2013 18:30

L'attribution du prix Nobel de littérature 2012 à Mo Yan est une très bonne nouvelle pour la république des lettres. Mo Yan est un superbe écrivain, un des rares, voire le seul, à être unanimement reconnu par l'ensemble des mondes chinois, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Chine.

Je l'ai découvert dès ma première année en Chine, en 2004. Même les plus grands auteurs, Bi Feiyu et Su Tong, disaient de lui qu'il était le premier, ex-aequo avec eux-mêmes.

Quand je demandais aux gens, aux universitaires notamment, ce qu'ils pensaient de l'autre prix Nobel chinois, Gao Xingjian, ils me répondaient systématiquement que Mo Yan le méritait davantage. Il faut dire que Gao était banni de Chine, et qu'il avait pris la nationalité française.

Or, Mo Yan et Gao Xingjian sont deux écrivains magnifiques de la Chine contemporaine. Tous les deux nés après la deuxième guerre mondiale, ils ne sont pas des dissidents, mais frappent par la liberté de leur style et par l'aspect mythologique de leur imagination.

Le plus étonnant, concernant Mo Yan, est qu'il soit resté aussi accepté dans la Chine communiste. Militaire de carrière, il vient de la campagne et fait partie de l'Union des écrivains : c'est donc un officiel, à sa manière, un membre du parti. Et pourtant, il suffit d'ouvrir un de ces romans pour voir qu'il ne connaît pas la censure. S'il a dû retirer des choses de ses manuscrits, ce qui reste est passablement osé dans un pays non démocratique.

Non seulement il critique la corruption des cadres, non seulement il dénonce les abus des politiques mises en place par le Parti, mais surtout, il le fait dans un style baroque et jouissif, provocateur et cru, trivial et fracassant. Tout ce que la culture officielle chinoise déteste. On en banni, pendu, enfermé, pour moins que ça.

Alors comment a-t-il fait pour passer à travers les mailles du filet ? En n'étant lu par personne ? Pensez donc, il est extrêmement connu en Chine. Ses livres ont beau être exigeants pour le lecteur, ils sont des best-sellers. Alors comment se fait-il qu'un auteur comme Gao soit banni et un autre comme Mo Yan soit célébré ?

A mon avis, cela n'a rien à voir avec le contenu des livres. C'est plutôt une question de relations à l'intérieur des groupes de pression. J'imagine que Mo Yan s'est fait de solides amitiés au sein de l'armée, puis au sein du monde de la culture, puis même au sein des instances dirigeantes. J'imagine qu'il est intouchable parce qu'il est protégé personnellement, par des gens qui ont du pouvoir. Et ces gens, pourquoi le protègent-il ? Parce qu'au sein du parti, il existe un courant "libéral", un courant en faveur des droits de l'homme, de la démocratie et de la liberté d'expression.

Lire et soutenir Mo Yan, c'est donc un formidable effort de l'esprit contre les simplifications humanitaires qui ont tendance à étouffer la littérature actuelle. Rien que pour cela, ce prix Nobel est une excellent nouvelle.

 

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6 août 2012 1 06 /08 /août /2012 09:09

Le livre que nous venons de faire paraître peut être perçu comme une émanation de ce blog et des blogs qui lui ont été liés dans les années 2000. Mais cela se présente malgré tout comme une étude universitaire collective, publiée aux Presses de l'université de Montréal, rassemblant les meilleurs spécialistes de la littérature chinoise diasporique.

 

Traits chinois /Lignes francophones consiste, en effet, en une exploration de la francophonie chinoise, c'est-à-dire une suite de chapitre concernant les écrivains et artistes chinois qui utilisent le français.Les lecteurs de ce blog se souviennent d'un billet au titre similaire, écrit il y a quelques années, où j'annonçais la tenue d'un colloque sur le même sujet, en 2010. Ce livre est plus que les actes du colloque : un choix a été fait parmi les interventions du colloque, et d'autres textes ont été commandités.

 

On y trouve des chercheurs incontournables et extrêmement stimulants, tels que Zhang Yinde. Mais l'originalité du livre vient de ses contributions issues de la blogosphère, et non seulement du monde universitaire. Moi-même, j'ai modestement travaillé sur l'oeuvre de Gao Xingjian, de manière plus universitaire que dans mes billets de blog. Mon ami Ben (Benoît Carrot), qui a beaucoup commenté sur ce blog et qui a écrit des blogs africains, a produit un beau chapitre sur les Chinois en Afrique francophone. 

Enfin, Neige, la fameuse blogueuse de Nankin, n'a pas été oubliée puisqu'une sélection de ses billets d'étudiante est publiée en clôture d'ouvrage.

 

En définitive, plus qu'une question de support médiatique, ce qui compte pour moi le plus, c'est l'amitié qui unit la plupart des contributeurs de cet ouvrage. Même le deuxième nom apparaissant sur la couverture, à côté du mien, est celui d'une femme que j'aime fréquenter depuis plus de dix ans, dans les pubs et les universités d'Irlande.

 

Comme le dit la présentation de l'éditeur, "Ce livre est aussi une histoire d'amitiés entre quelques personnes – intellectuels, universitaires ou artistes – qui se connaissent depuis des années, et partagent leur passion pour la Chine en vivant sur différents continents."

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