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21 juin 2008 6 21 /06 /juin /2008 09:24


Dans la culture chinoise, on a élu un petit nombre de femmes comme étant les « beautés » de la Chine. Leur sort est généralement fatal : on les a données à des chefs rivaux, à des rois étrangers, on s’en est servi sans ménagement. Mon amie me raconte tout ça en s'emmêlant dans les noms, les dates et les histoires. Qu'importe, cela nous ramène aux sempiternelles énumérations qui ne veulent pas dire grand chose mais qui structurent une éducation de masse et qui donnent du grain à moudre aux numérologues : les quatre romans classiques, les dix mille êtres, les cinq éléments, les sept délices de Nankin, les huit excentriques de Yangzhou, les trois représentativités, et, donc, les quatre beautés.

Yang Guifei est peut-être la plus célèbre, elle a en tout cas inspiré les artistes plus qu'aucune autre. Elle a inspiré des poètes de premier plan, des musiciens, des calligraphes, et elle fait rêver les jeunes gens du monde entier. Elle était la concubine sublime d'un empereur Tang. Cette même concubine dont je suis tombé amoureux dans un opéra Kun que j'ai vu à Nankin il y a deux ans et demie. 
A l'extérieur de Xian, non loin des armée en terre cuite, on peut visiter les sources chaudes qui ont baigné son corps enchanteur. Un parc hors de prix est aménagé pour qu'on tente de s'imaginer un peu ce que c'était que se baigner à cette époque.


L'empereur ne se serait pas baigné avec sa belle, si l'on en croit les écriteaux. Plus loin, on peut voir la baignoire de l'empereur, et on voudrait nous faire croire que les deux amoureux n'auraient pas pris de bain ensemble. Moi, je ne dis rien mais je crois qu'il ne faudrait pas nous prendre pour des gamins, tout de même.
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20 juin 2008 5 20 /06 /juin /2008 06:29

Calligraphie de style "herbe", que ne peuvent lire et écrire que les spécialistes de la chose. Les autres, qu'ils connaissent le mandarin ou pas, sont rejetés dans leur monde de perceptions plus ou moins affinées. Essayer de déchiffrer, c'est possible bien sûr, et on retrouvera toujours quelques caractères connus. Ce n'est pourtant pas le but. Le sens du poème importe peu. Ici, il est question de l'eau et des bains que prenait la belle Yang Guifei.
Ce qui compte, c'est l'art du tracé, le mouvement même du geste. Certains caractères font exploser le carré virtuel qui
 sont censés les contenir. Les lignes sont prises de folie et de vitesse. La liberté, la folie et la vitesse sont plus figurées que réelles, car cette éciture est en fait très codifiée et résulte de la plus haute maîtrise de la technique calligraphique.
Mais une fois qu'on a dit que c'est codifié, on a encore rien dit, car l'effet reste extraordinaire de puissance. C'est un aspect de la culture chinoise qui m'a toujours frappé et que les Chinois, quand ils parlent d'eux-mêmes, omettent systématiquement : la recherche du désordre, du monstrueux, de l'asymétrie. Le jeu constant entre l'enfermement et l'errance, entre la modestie et l'explosivité, l'obéissance aux règles et leur subversion.
Des mots que tout cela. Je suis resté en arrêt devant cette stèle, muet d'admiration sans pouvoir expliquer ce qui, à mon avis d'ignorant, fait de cette calligraphie une oeuvre magnifique (si le mot d'oeuvre reste opératoire, avec les calligraphies gravées dans la pierre.)
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19 juin 2008 4 19 /06 /juin /2008 06:21
Je parviens à retourner sur ce blog en utilisant un proxy qui n'a pas encore été bloqué par la police du ouèbe chinois. Je ne dirai pas lequel, mais tout ce que je peux dire c'est qu'il est français, et qu'il ne me permet pas de poser des commentaires. C'est un moindre mal, car de toute façon ce n'est pas à moi de commenter (je le fais depuis que je me suis aperçu que c'était une forme de politesse de la part du bloggueur de le faire.) 

Ce manège commence à me lasser.
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19 juin 2008 4 19 /06 /juin /2008 04:37

Je précise : au premier étage! Si vous entrez au Platane sans savoir, on ne vous demandera rien et on vous installera à une table du rez-de-chaussée, et on vous servira de la nourriture excellente aussi, mais vous sortirez un peu déçu ; vous direz que cela ne mérite pas la mention de "meilleur restaurant de Shanghai". Au rez-de-chaussée, il s'agit d'une brasserie de très bonne qualité, mais d'une brasserie, et vous n'êtes pas prêt à vider votre bourse pour un steack frites.
Pour aller à l'étage, où se situe le restaurant gastronomique, il faut le demander, il faut un peu forcer la main à un personnel qui a reçu des directives strictes : ne pas en faire un hall de gare, limiter le plus possible le nombre de clients pour qu'ils puissent être vraiment pris en charge.
On peut les comprendre. Les prix sont rédhibitoires et beaucoup de gens entreraient et sortiraient au bout de cinq minutes, après colloques gênés entre convives. Deux menus, l'un à 750 RMB, et l'autre à 1000. Le premier vin rouge (un très bon Figeac) est à 650 RMB. L'addition finale monte facilement à 1500RMB par personne, ce qui est un vrai scandale, je suis d'accord, mais là n'est pas la question. La question est que la bouffe est merveilleuse, le service excellent, la déco étonnante, que le dîner dure trois ou quatre heures sans possibilité de s'emmerder, et qu'on se retrouver vite seuls attablés dans ce petit espace confortable. La gastronomie, il vaut mieux que cela passe par le bouche à oreille, la gastronomie est une affaire de connaisseurs. La plupart des clients qui étaient en bas, dans la brasserie, étaient plus riches que nous : la sélection ne se fait pas uniquement par le portefeuille, mais par la volonté, par la connaissance, la pugnacité.
Entouré d'un papier peint qui fait penser aux chinoiseries du XVIIe siècle, d'amples motifs de branches d'arbres et d'oiseaux, le groupe d'amis tartine son pain avec du beurre de truffe, en attendant de commander. Je recommande le menu à 750 yuan, qui comporte trois ou quatre entrées : une Coquille Saint-Jacques, du foie gras préparé de trois façons différentes, sous forme de mousse (avec une confiture d'abricot que j'ai trouvée géniale, enfin l'idée était géniale), sous forme poêlée et sous forme de terrine (avec de l'anguille), puis une salade de carbe avec d'autres choses légères qui faisaient une bonne suite au foie gras.
Puis est venu le loup, ou le bar, je ne sais pas ce que l'on dit le plus habituellement. Le terme anglais de Seabass est plus courant car c'est un poisson qu'on mange plus souvent dans les bons restaurants anglo-saxons, dans le monde entier. C'est donc un poisson que les restaurants français proposent lorsque le chef n'est pas français, comme c'est le cas du Platane. Ici, nous avions du "black seabass", un bar noir qui se distingue du bar normal en ceci qu'il est plus petit, plus sombre et qu'il est meilleur au goût, si l'on en croit le serveur à qui nous avons posé la question. Le poisson avait un petit goût de brûlé que j'ai beaucoup apprécié. Le chef jouait sur le goût du brûlé, une subtile impression qui se retrouvait dans la Saint-Jacques et le foie gras poêlé, qui réhaussait la combinaison des sauces et des aliments principaux. C'est à des détails comme ceux-là, le jeu risqué du brûlé, que l'on reconnaît l'artiste parmi les chefs.
Puis j'ai eu une absence. Je n'avais presque pas dormi la veille au soir, et ma journée avait été bien remplie, arrivé au fromage et à la litanie des plats sucrés (fruits, sorbets, desserts, niama niama au chocolat pour accompagner le café ou je ne sais quoi), je piquais du nez, et il n'est pas jusqu'à ma voisine de table qui ne me dit que mes yeux étaient rouges. J'allais m'assoupir sur le canapé qui occupait une alcôve, histoire de libérer quelques rêves qui cognaient contre ma tête. Je revenais à table, réveillé par Grégoire pour le(s) dessert(s), tous meilleurs les uns que les autres.
Nous sommes sortis de là impressionnés sur tous les points et à tous les niveaux. De toutes les tables que nous avons essayées, et pour ce qui concerne la cuisine française, c'est le Platane qui remporte la palme, sans aucune hésitation, il domine Shanghai de la tête et des épaules. 
Le Platane, au croisement de Huangpi lu et de Xingye lu, à un bout de Xintiandi, au bord du lac.  

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15 juin 2008 7 15 /06 /juin /2008 04:04

L'histoire est simple, troublante et scandaleuse, et elle montre le chemin à parcourir pour que la Chine devienne normale.
Après avoir sélectionné quelques CV pour remplir un poste d'enseignant dans mon université, nous procédons à des entretiens téléphoniques. Nous commençons par celle qui a le meilleure profil : qualifications, expériences, compétences, âge, elle représente la personne idéale pour ce poste. 
Soudain, une collègue chinoise pousse un cri : la postulante a commis l'irréparable ; elle a fait un stage de deux mois, il y a six ans, chez "Reporters sans frontières", organisation qui est devenue l'incarnation du mal absolu chez nos amis Chinois.
Nos amis Chinois ne voudront rien entendre, car la défense de leur patrie passe avant tout, même si n'importe quel discours peut passer pour la défense de la patrie. "C'est très grave, dit ma collègue, avoir travaillé avec cette organisme est impardonnable." Mais on pardonne quand il y a faute, me permets-je, ici, nous avons une femme qui, lorsqu'elle était étudiante, a fait un stage dans une association légale, autorisée... Rien n'y fera, la jeune femme a beau être motivée, parfaite pour le job, faire preuve de diplomatie, n'avoir aucune intention négative envers la Chine, elle est devenue indésirable. Elle est devenue coupable, co-responsable des manifestations pro-tibétaines à Paris et ailleurs. Une collègue refusera même de lui parler au téléphone et dira bien fort qu'il faut raccrocher. 
Deux choses émanent de cette discussion. Premièrement, un homme est sali par des actions passées, pas seulement par des actions, mais par des contacts, des connaissances, etc. Et il est sali irrémédiablement. Deuxièmement, l'impureté d'une chose actuelle est rétroactive et corrompt tout ce qui a eu un lien avec cette chose dans le passé le plus lointain.   
De quelle vision de l'homme avons-nous affaire ici ? Y a-t-il quelque chose comme un humanisme chinois ? Et quelle est le rapport au temps que cela enveloppe ?
C'est un retour brutal vers les réflexes de la Révolution culturelle, où tout pouvait vous accuser.
C'est la limite de ce qu'on peut accepter, dans quelque pays que ce soit, sans se sentir le coeur au bord des lèvres.
C'est le signe que la recherche de la vérité ne vaut rien en Chine, devant toute posture patriotique. Il suffit de s'avancer, de bomber le torse, de déclamer d'une voix forte des paroles fausses, calomnieuses, injustes, stupides, mais clairement patriotiques, et vous marquez des points.

C'est un signe des temps, de la nervosité, de la fermeture, de l'émotivité du temps présent, et que je ressens depuis le mois de mars.

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13 juin 2008 5 13 /06 /juin /2008 01:48

Il y a bientôt trois ans que je blogue en Chine et sur  la Chine, puisque j'ai commencé Nankin en douce le 26 juin 2005.
Je ne me suis jamais interdit de critiquer, ou de dénoncer des choses que je croyais choquantes, ou injustes.
Or je n'ai jamais été inquiété par qui que ce soit. J'occupe pourtant un poste sensible puisque j'enseigne à des jeunes gens qui ne doivent pas être corrompus, et qui sont très encadrés par le Parti.
Il faut le reconnaître, j'ai bénéficié d'une liberté de parole totale.
On m'a recommandé de la prudence, naturellement, maître-mot des relations sociales. Mais la prudence, dans le sens chinois, cela revient trop souvent à se taire pour éviter les ennuis.
Par prudence, on ne dit rien des prisonniers politiques (je veux dire les innocents chinois qui souffrent de l'injustice commise par les autorité chinoises.)
Par prudence, on se prétend l'ami de la Chine, et par là, on ferme les yeux sur les Chinois qui souffrent.
Par prudence, on ne fait pas la part des choses et on accepte de confondre les notions de Chine, de nation chinoise, d'individus chinois, de culture chinoise et de parti communiste chinois.
Par prudence, on fait semblant d'admettre que tous les régimes politiques se valent, que la démocratie n'est pas mieux que le parti unique ; que les Chinois n'ont pas besoin d'autre chose, pas besoin d'élire leurs dirigeants ; que la presse fançaise est aussi peu libre que la presse chinoise ; par prudence on fait donc le jeu de ceux qui ne veulent rien faire évoluer en Chine sous prétexte que tout va mal chez les étrangers.
Par prudence, on prétend que les Chinois ne souffrent pas, que rien ne s'est passé en 1989, sur la place Tienanmen, qu'au Tibet la violence vient des seuls Tibétains, que la Chine n'a jamais fait de mal à aucun peuple.¨
Par prudence, on prétend être l'ami de la Chine alors qu'en réalité, on fait son beurre en profitant de ce que des centaines de millions de Chinois sont exploités pour baisser les coûts de la main d'oeuvre.

Je sais que la plupart des Chinois francophones n'aiment pas lire des choses écrites de cette manière. Je sais que la plupart d'entre eux pensent que je suis hostile à la Chine, et c'est pour cela que je dois dire haut et fort qu'on m'a toujours laissé dire ce que je voulais, sans pression. On ne m'a jamais insulté, jamais fait de reproches, jamais menacé. 

Je sais que cette tolérance vient de ce que je suis un étranger, et qu'un Chinois ne pourrait pas se permettre d'écrire ces mots-là. Mais qu'il y ait une tolérance vis-à-vis des étrangers, c'est déjà un signe - temporaire, fragile - d'une certaine libéralisation des moeurs sociales.
Et puis j'espère que mes amis chinois, avec le temps, comprendront cette réalité : comme je parle librement, je dis vraiment ce que je pense, sans hypocrisie, si bien que lorsque je dis que j'aime la Chine, ce n'est pas de la diplomatie, mais la vérité de mon sentiment. Et lorsque je critique, ce n'est pas contre la Chine, mais en faveur de la haute idée que je me fais des Chinois.

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10 juin 2008 2 10 /06 /juin /2008 03:47

Certes un peu restauré, assaini pour les besoins du tourisme, mais toujours agréable, et prise dans une odeur de mouton et de bouffes variées.





Une mixture à base de carrés gélatineux, blancs d'abord, puis brunis. Ils ressemblent à du tofu, mais ils sont en fait de la pâte de riz, comme pour faire les nouilles translucides qu'on mange dans la rue.


A cause de ces étals de foie de mouton, attaqué par des mouches et vendu au kilo, il arrive que le touriste chinois se sente plutôt d'aller manger ailleurs. Pourtant, la réputation gastronomique de Xian est très répandue en Chine.

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8 juin 2008 7 08 /06 /juin /2008 10:14
Je sais que j'ai déjà fait le coup plusieurs fois, mais là c'est sûr, c'est officiel de tous les côtés. Je quitte la Chine dans un mois, jour pour jour.
Je pars du pays où j'ai réalisé plusieurs de mes rêves de gosses pour aller réaliser un autre rêve : celui d'aller écrire une thèse, et de passer mon temps à cela. Une bourse m'a été généreusement offerte pour que je puisse vivre dans les bibliothèques et les colloques pendant trois ans.
Alors je quitte la Chine et c'est un peu dur. Je sais déjà combien certaines choses vont me manquer, certains visages, certaines voix, une affection dans les contacts. Les massages de pieds, les fruits dans la rue, les restaurants pas chers et délicieux, le son du chinois, la tête des Chinois, le jour qui commence dès 5h30, les soirées au Face bar.
J'ai choisi de ne pas organiser de fête de départ, sauf quelques apéro pour discuter le bout de gras avec ceux qu'on ne croise pas souvent hors des occasions professionnelles. Mais sinon, pas de fêtes, d'abord parce que je n'aime pas trop cela, et ensuite parce que je ne me vois pas très joyeux à l'idée de fêter le fait même que je vais quitter tout ça.
Les différences culturelles impromptues, celles qu'on n'avait pas prévues, les réactions anti-françaises stupides, les déchaînements irrationnels ou le sentimentalisme dégoulinant, tout cela qui, sur le moment, vous fait fuir, mais qui, à terme, après avoir passé la crainte de devenir fou ou dégénéré, vous marque et dessine une nouvelle image de la Chine, encore plus attachante que celle qu'on s'était faite avec les paroles avantageuses lues ou entendues. Ces crises, ces folies, ce nationalisme borné, cette fierté démente, cette arrogance sont en fait les symptômes d'une société qui se transforme et qui a du mal à trtrouver des repères. Alors les gens se recroquevillent sur de pseudo-traditions qui n'ont rien de traditionnelles, ou qui n'ont rien de chinoises.
Jamais je n'aurai eu autant le sentiment du travail colossal qu'une nation doit accomplir, à certaines époques de son histoire. Nous sommes dans le moment chinois de l'humanité, où les problèmes sont affreusement graves, nombreux et intriqués : Il y a trop de Chinois, et en même temps la population vieillit, ce qui va rendre la charge trop lourde pour les générations à venir. Ils doivent se développer économiquement mais en arrêtant de polluer. Ils doivent garantir la paix sociale, ce qui leur rend la démocratie indésirable, mais les dirigeants savent mieux que tout le monde combien les Chinois peuvent devenir explosif quand ils sont à bout.
Nous sommes au moment chinois de l'humanité parce que l'évolution de la Chine va déterminer notre vie à tous. Paix ou conflits majeurs, droit international ou retour à la barbarie du chacun pour soi, planète sur la voie du salut ou pollution globalisée. Les Chinois peuvent rendre l'avenir harmonieux s'ils parviennent à résoudre leurs défis majeurs sans catastrophe, comme ils peuvent faire sombrer le monde dans le chaos. C'est quand même excitant comme enjeu!
C'est aussi pour cela que je suis triste de partir. Il me semble qu'il faudrait justement être là et observer les choses en ce moment, et dans les années à venir. Je suis très curieux de savoir ce qui va se passer avec la crise économique, après les J.O., après l'Exposition universelle de 2010. Curieux de savoir comment vont évoluer les questions tibétaine, ouighour et taiwanaise.
Bon, je ne serai pas très loin, je pourrai toujours lire la presse.
Et puis je reviendrai souvent, car la Chine a changé ma vie, et m'a peut-être rendu plus harmonieux, moi aussi, au fond.
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7 juin 2008 6 07 /06 /juin /2008 15:04
C'est très émouvant, ces stèles. Ecrire sur les pierres, et donner aux signes une apparence de calligraphie tracée au pinceau. Par l'estampage, en imprimer des feuilles pour diffuser l'écriture à des milliers de li.




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7 juin 2008 6 07 /06 /juin /2008 09:05


Dans la tour de la cloche, il faut admirer la charpente, c'est ainsi. Ceux qui ne s'intéressent pas aux charpentes, ils feraient bien de s'abstenir d'aller à la tour de la cloche de Xian. Mais cela vaut pour beaucoup d'autres choses : ceux qui ne s'intéressent pas à l'art ne devraient pas se sentir obligés de payer l'entrée du Louvre quand ils visitent la France. Ceux qui ne sont pas sensibles à l'art des jardins ne devraient pas aller à Suzhou, ceux qui se fichent de l'histoire et de la sculpture n'ont rien à faire à Bing Ma Yong.

Si les gens, avant de voyager, faisaient le compte de ce qu'ils aiment vraiment et de ce qu'ils sont capables de voir, ils voyageraient beaucoup moins et nous serions moins de touristes. Du coup, tout serait plus cher, plus difficile d'accès et seuls quelques privilégiés pourraient admirer la charpente de la tour de la cloche de Xian, comme au temps de Victor Segalen. Et tout cela me serait interdit, alors que les gens continuent à voyager, après tout, ça m'arrange.


Une fois qu'on a apprécié la charpente, on peut assister à un concert de musique avec des instruments copiés sur ceux qu'on a excavés dans la région, et qui datent de la dynastie Qin (c'est-à-dire la première dynastie de l'Empire). Depuis le temps que je vois de ces cloches, dans les musées chinois, datant de deux mille ans, j'étais curieux de savoir somment cela sonnait en contexte. Sur la droite de la photo, derrière le flûtiste, une percussion avec des pierres suspendues (Boulez reprendra le principe), et derrière le guzheng, un instrument à vent complexe, appelé "Sheng". Les cloches, deux femmes en jouent : une contre le mur du fond, qui martèle les cloches élevées, et une sur le devant, qui ne frappe que les grosses cloches du bas, produisant un beau son grave qui donnait une incroyable majesté à l'ensemble. (Je dis ça parce que moi, je suis hyper sensible à la majesté.)  
Concert étonnant, musique métallique, tellurique. Les percussions soutiennent les mélodies de la flûte et de la cithare. Une musique puissante et bruyante, qui parle aux profondeurs de la terre. J'imagine bien  l'empereur sans pitié, le sanguinaire Shi Huangdi, digérer ou s'endormir sur une musique sans douceur, où se télescopent des sons de métal, faisant participer les éléments de la nature dans ses petits concerts privés, entouré de concubines à moitié nues qui lui griffent le torse et le fouettent avec leur chevelure.



Après le concert, un tourbillon de poussière de Loess s'abattait sur la ville. On ne voyait plus à cinquante mètres. Les gens avaient peur que cela ne soit le signe avant-coureur d'une nouvelle catastrophe, un tremblement de terre par exemple, puisque tout le pays était déjà dans l'ambiance. J'y ai cru moi aussi, mais j'étais intimement convaincu que c'est la terre qui s'était fait réveillée par la musique harassante des cloches et des pierres, que les dragons qui dormaient sous la terre avaient été appelés à se lever et à souffler de leur gros naseaux sur la bonne ville de Xian.
Vrai, j'avais la chair de poule, cette musique pouvait vous rendre fou, vous faire croire aux prodiges, aux sympathies, aux correspondances et aux mystérieuses communications. Cette musique avait fouillé la terre, car elle était faite pour cela, de même que l'empereur qui s'en délectait avait établi son royaume post-mortem sous nos pieds. C'est lui, peut-être, dont la tombe n'a toujours pas été visité, qui commandait les dragons et les tourbillons.

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