Un couple d'amis français vient d'accoucher d'un petit d'homme, au coeur de Shanghai. Plutôt que d'aller dans un hôpital occidental, ils ont choisi un hôpital chinois de bonne réputation, qui possède un étage VIP. En Chine, il y a un peu partout des coins VIP (et, plus généralement, la notion de privilège imprègne les pratiques quotidiennes et les rapports à l'espace, dans la ville comme dans les vies).
Moi qui suis une petite nature, le récit de l'accouchement m'a fait défaillir. Il m'a fallu boire deux bières pour m'en remettre et me tenir sur mes jambes.
Il semblerait que les Chinoises accouchent différemment des autres. On dit (mais c'est peut-être une connerie, moi je répète ce qu'on me dit) qu'elles optent pour les césariennes, que c'est extrêmement courant en tout cas. Pour cette raison, les infirmières manqueraient d'empathie pour la souffrance des étrangères qui accouchent par voie naturelle. En général, mes amis reconnaissent que le personnel était professionnel et que les bonnes décisions ont été prises au bon moment, mais ils sont restés choqués du peu d'attention qu'on leur a témoignée, du manque d'explication, de suivi, de soutien, de chaleur. Dans les heures de douleur, les infirmières gardaient ce sourire chinois que l'on reconnaît bien et qui peut être si dur à supporter, même lorsque l'on sait que ce n'est pas un sourire méchant. Un sourire qui s'affiche devant le malheur des autres, et qui semble aux Occidentaux être une moquerie, mais qui n'est certainement qu'une réaction de gêne. Par ailleurs, des femmes qui accouchent, elles en voient des centaines et, généralement, les femmes chinoises sont prises en charge affectivement par la famille.
Lorsque le bébé est né, les femmes chinoises restent un mois au lit. Pendant la grossesse, elles mangent un oeuf tous les jours, et après l'accouchement, elles boivent du lait. On reconnaît bien là les principes de médecine traditionnelle, fondée sur la ressemblance des éléments : vous voulez être forts, mangez des couilles de taureau ; vous voulez calmer votre feu intérieur, prenez-moi de cette poudre de serpent ; vous êtes enceinte, consommez des oeufs...
Les étrangers restent étonnés par le fait que les femmes chinoises gardent le lit un mois. Les raisons sont variées, je suppose que la cicatrisation due à la césarienne y est pour beaucoup, mais ce n'est jamais la raison que les Chinois invoquent quand ils m'en parlent. Généralement, on me dit que c'est la tradition, les recommandations des docteurs et des grand-mères.
Puis les Chinoises retournent au boulot, et alors, se passe un phénomène extraordinaire : elles perdent tous leurs kilos superflus en quelques semaines! Elles avaient doublé de volume pour engraisser le petit empereur, et elles se retrouvent toute pimpantes, légères et fines un mois plus tard.
On ne m'enlèvera pas de la tête que sur cette question, comme sur d'autres, nous devrions observer de près nos amis chinois.