Mimique se foutait souvent de moi pour le prix auquel j’acquérais mes achats. Si j’étais content d’un pantalon qui m’avait coûté 80 yuans, il disait qu’il l’aurait eu à moins de 50.
C’était tellement automatique que j’ai décidé de lui faire une offre : « J’ai vu une caméra que je veux acheter. Elle coûte plus de 5000 yuans. Je te donne 4000 pour que tu me l’achètes, mais tu gardes la différence si tu arrives à marchander en deçà de 4000. »
Il n’y avait pas de malice là-dedans. J’étais persuadé que Mimique pouvait faire descendre le prix jusqu’à quelque 3000 yuans. C’était un job facile pour lui, qui pouvait lui rapporter plus d’une semaine de travail à la cafeteria.
Il ne fit jamais ce petit travail et jamais je ne fis cette acquisition. Je continuai à faire des films pourris avec mon appareil photo. Je m’aperçus que Mimique ne faisait que frimer, et c’était de bonne guerre. Il fallait bien donner le change, faire bonne figure dans cette ambiance d’étrangers privilégiés.
Les étrangers se font avoir, c’est un fait qui structure la perception du monde, au point que les Chinois voyaient comme une injustice de payer le même prix que les étrangers. Mimique prenait des poses avantageuses en nous disant qu’il marchandait mieux. Inversement, quand la France lui donnait une bourse pour quelque chose, il en parlait aux autres Chinois comme de la débrouillardise. « Il est fort Mimique, me disaient les filles. » Tu as vu ce qu’il a réussi à soutirer à ces rapiats de Français ?
J’ai eu tort de lui proposer ce marché, celui de la caméra à 5000 yuans. Je n’ai pas insisté, cela aurait pu lui faire perdre la face.