On fait toute une histoire de ces Français qui s'expatrient. Les gens de droite affirment depuis des années que c'est un exode dû à une fiscalité trop lourde. Une émigration que Philippe Seguin comparait avec celle des huguenots sous Louis XIV, et celle des aristocrates à l'époque de la Révolution. Sarkozy a repris le flambeau de cette idée facile et paresseuse. « Avec moi, ils reviendront créer de la richesse chez nous. »
Or, c'est une tradition très ancrée, « chez nous », que de nous expatrier. Il n'y a rien de nouveau. Quelques chiffres si vous le voulez bien : en 1861, 318 000 Français émigraient rien qu'en Amérique du sud.
En 1901, un demi million de Français allait tenter la fortune aux quatre coins du monde. Un peu plus encore en 1911, et toujours le même chiffre en 1931. (Source : Service National des Statistiques, Etudes démographiques n°4)
De tous ces voyageurs, seuls 20% étaient paysans et pouvaient être poussés par la pauvreté. Mais le reste était des individus « entreprenants », de profession libérale, qui suivaient leur propre intérêt, leurs pulsions ou leurs rêves. Cela en fait, des millions et des millions de compatriotes qui se sont baladés sur le globe.
Il semble que si nous avons peu conscience de cette réalité, c'est parce que nous avons cherché à nous donner l'image d'une population tellement heureuse de vivre dans le plus beau pays du monde qu'elle n'avait nul besoin et nul désir d'aller voir ailleurs.
Il est temps que nous construisions une autre image de nous-même, et que nous cessions par la même occasion de mentir sur les motifs de nos départs.