Cela fait trois jours que je regarde et écoute Les demoiselles de Rochefort. J’avais acheté ce DVD en pensant que ça pourrait servir comme matériel pédagogique, dans un cours sur la Nouvelle vague, par exemple. J’avais dans l’idée que les comédies musicales, et celles de Demy autant que les autres, c’était toujours un peu mortel. Un soir de crève, justement, alors que je me réveillais la gorge aux abois, j’ai mis le DVD pour me remonter le moral, au cas où. Dans ces moments, on fait un peu n’importe quoi, tout est bon pour oublier la fièvre.
Le film m’a enchanté. Les gens qui dansent, d’habitude ça me laisse froid, mais là, dans les rues de Rochefort, il y avait une vraie folie contagieuse, tous ces gens qui sortent de nulle part et font les fous, il y avait une telle légèreté, quelque chose qui me faisait penser à Tati. Et surtout, plus je le regarde, plus je trouve ce film tordant. L’humour est partout, et il est d’une subtilité jubilatoire. Je ne me lasse pas de cette scène où les jumelles, sollicitées par les forains pour faire un numéro de scène, proposent une chanson réaliste aux vieux relents de Fréhel :
« Dans le port de Hambourg
Trois marins javanais
Parlaient du grand amour
Comme si ça existait
Comme si pour ce prix-là
Les filles de Hambourg
Aux marins de Java
Offraient le grand amour
- Vous aimez ?
- C’est sinistre.
- Et puis ça a traîné partout ! Les marins, les filles, les bateaux… Y en a marre. »
Ou ce dîner hyper chiant où tous les convives parlent en alexandrins pendant la scène entière pour ne dire que des banalités, avec Danièle Darrieux qui souligne à un moment :
« … Ah ! Que ce dîner manque d’attraits
Quant à moi, aujourd’hui, réplique Deneuve, je me sens quotidienne. »
Moi, je serais prêt à tout pour une femme qui me fait rire. Après la beauté physique, la drôlerie est la plus grande qualité chez les filles, presque une vertu. Je montrerais bien ce film à mes étudiants, mais comment pourraient-ils trouver ça drôle ?