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9 octobre 2006 1 09 /10 /octobre /2006 06:30

                           

Je suis retourné au Lac des nuages pourpres pendant les vacances d’octobre. C’est un lieu un peu miraculeux pour moi. L’émotion que j’y retire, et que j’y ai retiré presque chaque fois que j’y suis allé, est très difficile à décrire. Plusieurs fois, en entrant dans l’eau fraîche, en nageant dans les scintillements de l’eau, je me suis dit qu’il n’y avait rien de plus beau. L’émotion est telle qu’elle engouffre toute phrase et vous rend au silence. Ce lac est imperméable au langage, il n’est fait que de frissons, de visions, de sensations.

                           

Ce serait donc un projet littéraire fou et splendide que d’essayer d’en faire le centre d’un récit. Réussir à faire passer, dans des phrases, l’émotion du voyageur dans et hors de l’eau, ce serait réussir une vie d’écrivain. Ce serait produire un enchantement, devenir Merlin.

Il s’agit du bonheur de sensations pures, une plénitude qui ne se laisse pas dire. Le nageur y vit une forme de jubilation régressive, il redevient bébé, son corps perd toute organisation, il redevient plein comme un œuf. Il ne distingue plus entre la vue, l’ouïe, le toucher, toutes les sensations se confondent dans un grand bonheur stupide et primitif.

(Ce n’est peut-être pas un hasard si des Chinois crient autour du lac ; n’est-ce pas le seul moyen qu’a le bébé pour exprimer ce qu’il a sur la patate ?)

Je ne vois que deux exemples littéraires qui se rapprochent de ce tour de force. D’abord André Dhôtel, qui dans Le pays où l’on n’arrive jamais parvient à donner au lecteur le sentiment incroyable d’enchantements enfantins. Ensuite Michel Tournier, qui dans Vendredi ou les limbes du Pacifique, évoque magistralement la régression de Robinson dans « la souille », lorsqu’il perd toute humanité et toute souffrance dans cette eau tiède et maternelle.

 

                                        

La puissance du lieu ne s’arrête pas là. Une fois que le voyageur s’est retrempé dans l’eau létale et magique, il sort de l’eau et découvre un nouvel effet du lac. Il se met à lire, sur l’herbe ou sur un hamac, et la qualité de lecture s’en trouve extrêmement motivante, inspirante. Il m’a fallu du temps, des mois, peut-être des années, pour m’en apercevoir. Je suis toujours plus éveillé au lac. Je prends des notes, des idées m’assaillent et me viennent de toutes parts. C’est une fête intellectuelle, une orgie, mes sens sont éveillés, c’est l’ouverture du corps et de l’intellect au même moment. Il me prend des envies de toutes sortes, des envies d’inventer, de créer des choses, des envies d’être amoureux.

Alors c’est le lieu idéal pour emmener sa petite amoureuse. Y passer quelques heures avec cette jeune femme qui vous touche, et ne plus penser à rien, se laisser engloutir.

                                   

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