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20 mai 2007 7 20 /05 /mai /2007 05:05

Il est temps que les femmes chinoises se révoltent. Leur situation n'a que trop duré.

 

L'autre soir, nous dînions avec deux amies chinoises et une amie française. Quand la Française a avoué son âge, les deux Chinoises ont soupiré : « Ah, vingt-deux ans ! » Quoi, vingt-deux ans ? Elles en avaient vingt-six ! Et de nous rappeler le fameux tournant du quart de siècle pour toutes les personnes du beau sexe en Chine. La honte de ne pas être mariée, la peur de ne pas trouver de mari. Dans le pays de Mao qui a dit : « Les femmes sont la moitié du ciel », voilà qui mérite une révolution culturelle, pas moins.


Une partie de la jeunesse féminine croit renverser les perspectives en prétendant tenir les rênes du couple et maîtriser une situation qui ne leur échappe qu'en apparence. Ces filles, qui ne sont pas encore mariées lorsqu'elles tiennent ce langage, disent que l'homme, devant protéger la femme, travaille en fait beaucoup plus qu'elle. Elle, en retour de ce doux esclavage, profite de l'appartement, de la voiture et du confort de la classe moyenne. Version moderne du bovarysme qui entraîne les mêmes désillusions. Cette recherche d'un protecteur, du statut ambigu de femme entretenue, n'a pas d'avenir.    


J'imagine mes deux amies, qui ont tout pour plaire et pour mener une vie splendide, se réfugier dans les bras du premier fonctionnaire venu. Si je ne me retenais pas, je leur dirais de se soulever. Soulevez-vous gentiment, avec douceur et mesure, écrivez des livres d'humour noir, inventez un autre bonheur que celui de la petite famille conventionnelle. C'est à ça que servent les intellectuels, non ? Imaginer d'autres formes de vie possibles. Alors écrivez des histoires de filles qui ne se laissent pas empoisonner sans même avoir eu le temps de tomber amoureuses. Faites des films et des séries télé avec des célibataires heureuses.

 

Ce n'est pas à une guerre des sexes que j'appelle, mais à l'affirmation tranquille d'une féminité libre et variée. Qu'on ne me dise pas que ce sont là idées de nantis, moi je n'ai jamais eu d'argent et je me suis toujours débrouillé pour vivre ma vie. "Oui, mais tu es un homme", direz-vous, et vous aurez raison : les femmes chinoises doivent s'octroyer la même liberté que celle dont jouit un homme. C'est avant tout une question de mentalité : les femmes peuvent apprendre à ne pas se voir comme épouses seulement.

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26 mars 2007 1 26 /03 /mars /2007 01:44

Mademoiselle Zhao est passablement déçue par les hommes.  

Elle dit vouloir rompre mais veut rester honnête. Elle ne veut pas faire de mal à son petit gars, donc n’ose pas, mais d’un autre côté elle ne le supporte plus et rentre tard, rejette tout contact avec lui. Elle se plaint de son attitude pressante et évoque sa jalousie pour justifier son attitude ambiguë vis-à-vis de lui. Elle me parle de tout cela et me demande des conseils. Je lui dis : « Tu veux un conseil, un avis indépendant, ou tu veux juste entendre dire des paroles qui vont dans ton sens. Tu veux que je te dise ce que je pense ou que je te dise ce que tu voudrais entendre ? » Elle veut une opinion franche.

Alors, moi, vois-tu, j’ai vécu les deux situations. Il m’est arrivé de rompre et de faire face à des colères hystériques que je n’avais pas prévues. Ou au contraire de faire face à des silences déçus et stoïques, des filles mieux que moi sous tous rapports et qui murmuraient : « J’ai dû faire ou dire quelque chose de mal. » C’est à vous mettre le cœur en miette.

J’ai aussi connu la rupture de l’autre côté de la barrière, des femmes qui n’osaient pas rompre clairement et qui, soit me trompaient, soit laissaient pourrir notre histoire (et mon état mental avec), option qu’a choisi mademoiselle Zhao, visiblement.

Mon conseil est donc d’une simplicité absolue, une simplicité dure et grave. Du moment que tu sais que cette histoire n’a pas d’avenir, tu dois rompre franchement en prenant toute la responsabilité de l’échec de votre histoire. Attends-toi à recevoir des reproches, des insultes, du mépris, de l’incompréhension, et accepte tout. Ne cherche pas à être aimée au moment où tu déclares précisément que tu n'aimes plus. N’essaie pas de lui faire admettre, ni même de sous-entendre qu’il est aussi un peu responsable de la rupture. C’est toi qui veux rompre, c’est toi qui, par ce geste, obtiens ce que tu désires, donc c'est à toi d'être magnanime. Tu es libre, ne cherche pas en plus à être comprise de la personne dont tu te libères. C’est un prix à payer, la haine que tu risques de voir exprimer à ton égard, un prix à payer assez léger compte tenu que pour toi, c’est un mauvais moment à passer, alors que pour lui, ce sera des semaines et des mois de déprime, de dégradation intérieure de l’image qu’il se fait de lui-même, de perte de confiance, de cuites avec des copains plus ou moins compréhensifs, de solitude, que sais-je ? d'activité sexuelle désordonnée et vénale.

Conclusion : pour rompre sans être détesté, il faut rompre nettement, avec le tranchant du boucher de Zhuangzi, sans avoir peur d’être détesté.

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22 janvier 2007 1 22 /01 /janvier /2007 04:12

J’ai profité de la venue de Neige chez moi pour lui demander de me faire la lecture. Je vous l’avoue tout net, moi, je me passerais très facilement de tenir des bouquins dans les mains. La lecture silencieuse et solitaire, c’est bien beau mais il arrive un jour où on en a fait le tour.

Si j’avais de l’argent, je m’offrirais les services d’une lectrice, une femme à la douce voix qui serait toujours près de moi pour lire ce que je désire au moment où je le désire. Ce serait un boulot assez astreignant pour la fille.

Dès le réveil, il lui faudrait être là, fraîche et dispose, la voix prête et non pâteuse. Il faudrait qu’elle s’endorme après moi car elle lirait jusqu’à ce que je sombre dans le sommeil ; et surtout qu’elle se lève avant moi afin que certains matins, ce soit le son de sa voix qui me réveille. Vous imaginez le bonheur que ce serait ? Bien sûr, elle rattraperait son sommeil à d’autres moments de la journée.

Cette fille devra aussi savoir faire preuve d’initiative et proposer des lectures auxquelles je n’avais pas pensé. Elle n’aurait pas besoin d’avoir une culture très étendue, des lectures hasardeuses feraient l’affaire. En revanche, elle devra être d’une grande intelligence et d’une grande tendresse.

C’est un désir de célibataire, me disent les gens. Ce n’est pas faux, mais je crois qu’il s’agit là d’une forme de domesticité que je pourrais partager avec mon épouse, si j’en avais une. Je pourrais même me servir de cette domesticité pour trouver une épouse.

« - Ah ? Une lectrice ? Vous voulez dire qu’elle vous fait la lecture une fois la vaisselle terminée ?

- Non, ma lectrice ne touche pas une assiette, pas un balai. Elle remplit ma vie de sa seule voix. Si vous m’accordiez votre main, elle vous lirait des trucs, à vous aussi. »

De même que les couples découvrent ensemble un film ou une exposition, de même, nous entendrions les livres en même temps. La lecture ne serait plus une activité où l’on se retranche, mais deviendrait un moment de communion copulatoire. Avec mon épouse, nous vivrions des moments romantiques et passionnels pendant que ma lectrice lirait le Marquis de Sade ou Jin Ping Mei.

Sans même évoquer l’opportunité de m’unir avec la dite lectrice. Mais alors elle aurait de nouvelles exigences et, ne nous voilons pas la face, elle ne pourrait plus être à mon service, elle acquérrait de nouveaux droits et une espèce de nouvelle dignité ; il me faudrait me mettre en quête d’une nouvelle lectrice, dont la tâche serait plus délicate car elle serait constamment jugée par ma femme qui n’accepterait pas d’être égalée dans l’art de la lecture.

Ma lectrice sera polyglotte. Elle saura lire en français, en anglais, en italien, en allemand et en chinois. Le plus important sera de bien savoir le chinois et le français, les autres langues étant un peu un luxe de lettré. Parfois, elle lira des passages de Zhuang Zi en français, en chinois classique et en chinois moderne, puis à nouveau en français, puis en chinois classique, et encore, et encore, pour que je m’imprègne de la sonorité du chinois classique, que j’en entende parfaitement les différences avec le chinois moderne. Elle-même, bien sûr, découvrirait de nouvelles choses dans ces textes classiques et m’éclairerait sur tout un tas de points nouveaux. Nous aurions ainsi des conversations érudites, puis je la sommerais de se taire et exigerais un silence absolu. Ou j’écouterais la radio, des émissions politiques, pour me reposer l’esprit. Ou je regarderais le dvd d’une série américaine. Ou j’irais au restaurant avec un ami pour partager les émerveillements produits par le travail et la vie auprès de ma lectrice.

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22 novembre 2006 3 22 /11 /novembre /2006 11:34

Les Chinois qui ont aujourd’hui vingt ans, vingt-cinq ans, se trouvent dans une situation de mutation, entre tradition et modernité comme on dit. Concrètement, qu’est-ce que ça signifie ?

Les filles recherchent l’amour sans parler d’amour. Le mariage est un passage obligé, et les filles ont la volonté traditionnelle de trouver un bon parti, tout en ayant le désir moderne d’être aimées comme une princesse. Elles veulent à la fois la sécurité et le frisson.

Les textes de Neige d’Hiver font l’autoportrait de cette jeunesse. Avec ses amies de vingt ans, elle parle de mariage, et c’est très conventionnel. Mais quand elle écrit sur des garçons, on découvre une fille sensuelle, avide de rencontres, de découvertes physiques. Toutefois, ce sont des paroles de vieux qui sont écrites : se marier, acheter un appartement, être protégée. (Des paroles d’un autre temps mais qui ne sont pas si démodées dans la psyché des Françaises, soit dit en passant.)

Le portrait va plus loin. Bien qu’elle se définisse comme traditionnelle, Neige est ouverte à la modernité : tout en elle est ouverture. Elle sait prendre ses distances avec l’idéologie ambiante, elle fait preuve d’esprit critique dans un sourire tantôt ironique, tantôt tendre. Elle observe, elle rit, elle réfléchit. Elle aime la culture japonaise sans honte et le dit, au risque de se faire mépriser par ses contemporains. Elle peut se moquer gentiment de certaines habitudes chinoises. Mais elle ne compte pas vivre à l’occidental, ses rêves et ses attentes reposent sur les schémas préétablis par la société actuelle.

Les filles rêvent de romantisme, mais c’est un romantisme asiatique, celui des séries coréennes. Un rêve d’appartement, de chauffage central, de confort moderne. Leur sauvagerie est pourtant décelable, mais elles ne peuvent ni ne veulent lui laisser libre cours.

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6 novembre 2006 1 06 /11 /novembre /2006 07:40

Route dans l’aurore m’a répondu dans un mail taquin qu’elle ne pensait pas se marier avec moi, que cela n’avait jamais fait partie de ses plans. La compagnie qu’elle m’offrait était celle d’une amie.

 

Les rêveries sur l’enfant chinois et la vie merveilleuse d’une famille nomade, construite dans la débrouillardise et les flots migratoires, s’épuisèrent d’un coup et mon esprit reprit son cours habituel et désordonné.

 

Il restera de cette illusoire demande en mariage la révélation d’un possible désir de paternité, et l’impression accrue d’un mystère féminin qui fait parler Route dans l’aurore comme une femme impénétrable.

 

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1 novembre 2006 3 01 /11 /novembre /2006 09:48

L’idée de l’enfant revenait constamment dans mon imagination. Faire un enfant avec une Chinoise, voir naître et élever un être qui vient de moi, je ressentais soudain cela comme un miracle hallucinant, de désirable comme rien d’autre au monde.

Je pensais à l’enfant plus qu’à la femme, en vérité, car si la femme peut me décevoir, l’enfant ne le pourrait pas. Il n’y a pas d’espoir mis sur l’enfant, il n’y a qu’un événement extraordinaire qu’il convient de vivre et d’incarner. 

Je pensais à l’enfant, et je pensais aux langues qu’il devrait parler. Ma femme parlerait avec lui en chinois, moi en français, et la langue officielle de la famille, serait l’anglais. On en ferait un polyglotte dès le berceau, il n’aurait plus à se soucier des langues étrangères, quel repos.

Je voyais des gens faire du taiji, sur le campus, et je pensais : « Mon gamin fera peut-être du taiji, lui aussi, quand il sera vieux. Ce sera un Chinois. Je vais faire un Chinois. » Mon enfant parlera couramment le chinois, il le fera sans fierté, sans arrogance. Il sera superbe et plein de classe, plein de sagesse, il sera d’une beauté sans égal. Mon enfant sera en avance sur l’Histoire, il aura les yeux un peu bridés et la tête ronde. Partout où il passera, les Chinois auront envie d’aimer la France et les Français d’aimer la Chine.

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31 octobre 2006 2 31 /10 /octobre /2006 09:45

Quand on pense au mariage, on l’associe souvent à l’idée d’installation. Les expressions funestes ne manquent pas, et les hommes les emploient abondamment, comme avec fierté : se faire mettre le grappin dessus, la corde au cou, la bague au doigt, mettre un coup d’arrêt, arrêter les bêtises, devenir sérieux, s’installer, se poser, se caser, se maquer, se tiroiriser, s’armoiriser.

Les hommes font preuve de complaisance quand ils annoncent que bientôt, il leur faudra se ranger des voitures et rentrer dans le rang. Ils ont tout l’air de le désirer, au fond. Ils voient la jeunesse comme un temps un peu fou parce qu’ils voient la vie comme une chose conventionnelle, ennuyeuse et réglée.

Quand un voyageur propose le mariage à une Chinoise, c’est tout le contraire qui se passe. A toi qui n’a connu qu’une vie très codifiée et laborieuse, j’offre une vie de voyages, d’aventures, de pauvreté et de luxe, d’emmerdements et d’émerveillements.

Mais rien ne dit que les Chinoises rêvent de cela, et c'est là que mon édifice s'écroule. 

 

 

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30 octobre 2006 1 30 /10 /octobre /2006 09:41

On m’a demandé en mariage, récemment, et pour la première fois de ma vie. Route de l'Aurore faisait depuis quelque temps la mystérieuse. Elle me disait que quelque chose se passait dans sa vie mais ne révélait jamais quoi.

Puis soudain elle me demanda, dans un email, si j’avais quelqu’un pour « m’accompagner dans la vie », et si je ne me sentais pas seul. Oui, bien sûr, je me sens un peu seul parfois.

A quoi elle me répondit qu’elle voudrait me tenir compagnie, « en tant qu’amie, assistante ou quelque chose. »

Ma réaction fut de pousser un profond soupir. Friend, assistant or something, she said. L’image que j’eus à l’esprit fut celle de Neige près de moi, et une excitation violente prit possession de moi. Je réfléchissais à ma réponse avec difficulté. Pourquoi ne pas lui dire oui tout de suite, qu’elle vienne incontinent et qu’on se jette l’un sur l’autre comme deux gamins embrasés. Je sortis du bureau m’asperger le visage d’eau.  

Je voyais d’ici les gens dire que cette fille avait voulu un passeport et n’avait pas d’amour pour moi. Mais je voyais aussi sa plastique enchanteresse, son corps et son visage qui seront toujours aussi beaux dans vingt ans, je nous voyais ensemble dans un présent perpétuel. Mon excitation ne se calmait pas et je ne pouvais pas penser droit avec cette agitation du bas ventre. Je partis aux toilettes et résolus la question dans une pensée voluptueuse dessinant Neige dans mes bras.

Au retour des toilettes, en effet, je prenais les choses avec davantage de philosophie, mais les termes étaient les mêmes. Ma vie, mon avenir, cette femme, une autre femme, les autres femmes, le voyage, l’écriture, l’indépendance, la liberté, le bonheur, la vie, le vieillissement, l’aventure, la solitude, le désir, la sexualité, l’enfance, un enfant, la paternité, la famille, tout était là. Les éléments de cette farce virevoltaient, ils ne se mélangeaient pas. Ils se présentaient à moi séparément et clairement, mais à une vitesse trop grande pour être distincts. Rien ne pouvait être pensé à part, il fallait tout penser en même temps, c’était exténuant.

Il fallait aussi apporter un soin spécial à la réponse. Se montrer sincère sans décevoir, et sans donner d’espoirs irrationnels. Je voulais lui faire comprendre qu’on ne pouvait pas s’engager à la légère.

Je composais quelques lignes diplomatiques pour accuser réception et pour en savoir plus sur la compagnie qu’elle entendait me tenir. 

Je sortis du bureau et marchai dans les rues le cœur plein de joie. Le temps était à l’orage.

 

 

 

 

 

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3 octobre 2006 2 03 /10 /octobre /2006 07:56

Quand elle habitait à Nankin, Flore était obsédée par le mariage. A vingt-six ans, elle disait qu’elle était déjà trop vieille pour les Chinois. De toute façon, elle ne voulait pas d’un Chinois. Elle voulait un étranger.

Je l’ai revue à Shanghai. Elle m’a invité dans un restaurant de l’ancienne concession française, où elle habite et où elle travaille. Elle est musicienne à l'opéra de musique traditionelle, elle y gagne très peu d'argent, mais elle est logée.

Elle a trouvé un ami américain, un homme qui, la cinquantaine passée, a fait d’elle sa protégée. Ils se sont rencontrés dans un aéroport, elle ne savait pas que c’était un homme riche. Les premiers temps, il l’invitait au restaurant, mais uniquement des petits boui-boui, où il se rendait à vélo. C’est lorsqu’il se fut assuré que Flore n’était pas intéressée par l’argent qu’il lui a révélé l’étendue de sa fortune. Il lui offre des cadeaux, l’emmène en voyages d’affaires, la fait dormir dans de grands hôtels de Hong Kong et de Pékin.

Flore dit que son Américain, n’ayant ni femme ni progéniture, la voit comme sa fille et cherche à lui faire plaisir pour cela. Elle est certaine qu’il ne désire rien de plus, qu’il ne voudrait certainement pas faire d’elle la maman de son enfant à lui. Elle dit qu’il est trop vieux. Son obsession pour le mariage a disparu, elle parle avec assurance et calme.

Après dîner, nous nous promenons dans les rues de la Concession française. Elle me fait visiter sa chambre, dans les locaux de l’opéra. Une chambre de vingt mètres carré qu’elle partage avec deux autres musiciennes (que je n’ai pas vues, car elles ont été prévenues à l’avance que je passerais). L’une de ses cothurnes a décoré son coin en punaisant des posters d’elle-même. Je m’assois sur le petit lit de Flore en contemplant les jupes et les shorts en jeans qu’elle a déposés sur sa chaise. Pendant qu’elle parle au téléphone avec son ami américain, qui lui propose de venir la chercher, je m’étends sur le lit et pense que je pourrais aisément vivre dans une chambre pareille.

 Nous ressortons nous promener. Elle me dit qu’elle n’est plus obsédée par le mariage. Elle sait qu’elle pourrait trouver un mari si elle voulait, mais qu’elle voudrait être amoureuse d’abord. Je lui demande si elle a déjà été amoureuse. Elle dit qu’elle a rencontré des hommes très gentils avec elle, pour lesquels elle a eu quelques sentiments. Mais amoureuse, vraiment amoureuse, non, jamais.

Peut-on rencontrer l’amour quand on ne l’a jamais connu pendant vingt-six années ?

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16 septembre 2006 6 16 /09 /septembre /2006 09:25

« Il y a des femmes qui disent tout. Elles parlent même avec une effroyable technicité. On n’en saura pourtant pas plus à la fin qu’au début. Elles auront tout caché par limpidité, célérité. »

 

Gilles Deleuze et Felix Guattari, in Mille plateaux (Minuit ed.)

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