Il est temps que les femmes chinoises se révoltent. Leur situation n'a que trop duré.
L'autre soir, nous dînions avec deux amies chinoises et une amie française. Quand la Française a avoué son âge, les deux Chinoises ont soupiré : « Ah, vingt-deux ans ! » Quoi, vingt-deux ans ? Elles en avaient vingt-six ! Et de nous rappeler le fameux tournant du quart de siècle pour toutes les personnes du beau sexe en Chine. La honte de ne pas être mariée, la peur de ne pas trouver de mari. Dans le pays de Mao qui a dit : « Les femmes sont la moitié du ciel », voilà qui mérite une révolution culturelle, pas moins.
Une partie de la jeunesse féminine croit renverser les perspectives en prétendant tenir les rênes du couple et maîtriser une situation qui ne leur échappe qu'en apparence. Ces filles, qui ne sont pas encore mariées lorsqu'elles tiennent ce langage, disent que l'homme, devant protéger la femme, travaille en fait beaucoup plus qu'elle. Elle, en retour de ce doux esclavage, profite de l'appartement, de la voiture et du confort de la classe moyenne. Version moderne du bovarysme qui entraîne les mêmes désillusions. Cette recherche d'un protecteur, du statut ambigu de femme entretenue, n'a pas d'avenir.
J'imagine mes deux amies, qui ont tout pour plaire et pour mener une vie splendide, se réfugier dans les bras du premier fonctionnaire venu. Si je ne me retenais pas, je leur dirais de se soulever. Soulevez-vous gentiment, avec douceur et mesure, écrivez des livres d'humour noir, inventez un autre bonheur que celui de la petite famille conventionnelle. C'est à ça que servent les intellectuels, non ? Imaginer d'autres formes de vie possibles. Alors écrivez des histoires de filles qui ne se laissent pas empoisonner sans même avoir eu le temps de tomber amoureuses. Faites des films et des séries télé avec des célibataires heureuses.
Ce n'est pas à une guerre des sexes que j'appelle, mais à l'affirmation tranquille d'une féminité libre et variée. Qu'on ne me dise pas que ce sont là idées de nantis, moi je n'ai jamais eu d'argent et je me suis toujours débrouillé pour vivre ma vie. "Oui, mais tu es un homme", direz-vous, et vous aurez raison : les femmes chinoises doivent s'octroyer la même liberté que celle dont jouit un homme. C'est avant tout une question de mentalité : les femmes peuvent apprendre à ne pas se voir comme épouses seulement.