Un Américain me demande l'hospitalité. Il parle un peu de lui, pourquoi je ne sais pas.
Il a 26 ans et le récit de sa vie est déjà tellement riche que c'en est ennuyeux comme la pluie. Tout ce qu'il a fait, c'est incroyable, il a vécu dans des pays d'Amérique et d'Asie, tous apparemment, il a eu de nombreux emplois, il semble être compétent en tout, s'est marié avec une Thaïlandaise, a divorcé, a vécu avec une Canadienne à Vancouver, a publié des recueils de poésie, est spécialiste en informatique, joue au basket et à je ne sais quels sports, fait du volontariat partout où il passe… La liste est tellement longue qu'une nausée vous prend en la lisant. Vous avez envie de lui dire : « Stop ! » Parle d'autre chose, tu nous soûles avec ta vie, tes aventures et tes multiples talents.
Comment font-ils, les Américains ? Ces gens sont des mutants. Ils vivent leur vie avec une telle intensité qu'on dirait qu'ils ne perdent pas une minute. Même les poètes rationalisent leur passage sur terre et gèrent leur temps libre pour optimiser le rapport coût/prix de revient.
Pfff, j'en ai vu pleins, comme lui, à 20 ans ils parlent chinois, ils parlent tamoul, ils sont sympas, ils sont costauds, ils ont traversé un continent à vélo, ils vous écoutent avec attention et vous trouvent fascinant, ils séduisent les femmes plus âgées qu'eux sans s'en rendre compte, ils boivent comme des trous, ils sont anti-républicains. Ils baisent tout ce qui passe sans s'en vanter, ils sont ouverts à tout et toujours au courant de tout.
Le sage précaire sort de là éreinté, épuisé, désespéré. Il a mille ans d'âge, le sage précaire, et en sait moins sur la vie que ces merdeux d'Américains.
Alors, qu'est-ce que je fais, je lui offre l'hospitalité, à cet emmerdeur, qui risque en plus d'être charmant, brillant et marrant ? Oh la la, Américains ! Américains ! Quand nous lâcherez-vous un peu la grappe ?