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10 décembre 2006 7 10 /12 /décembre /2006 05:03

J’étais arrivé, heureusement, très en retard, et je m’assis au milieu de l’exposé de la responsable des visas et de plein d’autres choses au consulat.

Elle parlait de toutes les procédures qu’un Chinois doit suivre pour aller étudier en France. C’est une caricature, un doux rêve de bureaucrate, du Kafka pour débutant. Les tests de français sont variés, ils diffèrent en ceci et en cela, sans que la raison en soit claire, ils sont notés différemment dans le plus grand manque de transparence, sur 900 pour l’un d’eux, sur 799 pour un autre. Le parcours du combattant, pour le Chinois désireux de venir en France, commence très tôt et semble n’avoir pas de fin car la bureaucratie française ne les lâche jamais tout à fait. Moi, si j’étais chinois et que je m’intéressais à la culture du pays de la Révolution, des droits de l’homme et de la Nouvelle vague, je crois que j’aurais depuis longtemps baissé les bras.

C’est peut-être ce que cherche la France, dissuader les gens de venir, et offrir des ponts d’or aux étudiants considérés comme brillants, sélectionnés dans les universités prestigieuses.  

J’écoutais la jeune femme qui débitait les choses à savoir et c’était effroyable. Elle était compétente, c’est certain, mais je ne pouvais plus écouter, je me sentais étouffer. Elle parlait sans lire ses notes, elle connaissait sur le bout des doigts toutes les clauses, les chemins à suivre, les conditions d’admission, les recours, les sigles et les acronymes, et l’envie me pris de hurler ou de m’enfuir en courant. Me revint à la gorge le sentiment qui m’étreignait, au collège, d’être enfermé dans un lieu hostile et contre-nature. Adolescent, je regardais par la fenêtre le ciel et les arbres sur la colline, et me disais que la vie qu’on nous proposait n’était pas humaine. Si j’avais été moins bien entouré, à l’époque, et si j’avais été plus courageux, j’aurais fait de longues fugues, comme Rimbaud, et je n’aurais jamais fait d’études.

J’écoutais la responsable et je m’aperçus qu’elle ne parlait pas le français. La bureaucratie avait remodelé la langue et l’avait transformée en un code administratif sans vie, sans inspiration, sans idée. Le langage de l’administration est un énoncé mécanique de tel ou tel enchaînement causal, c’est une suite d’engrenages linguistiques qui n’a que faire du locuteur : l’administration parle toute seule, sans autre but que la perpétuation automatique de sa logorrhée horizontale. Etant incontournable, elle s’impose à nous et semble s’être installée durablement dans la conscience de cette pauvre responsable des visas. Elle parle et il faudrait lui dire qu’elle se fourvoie, que ces mots sont loin d’elle, de sa conscience et de ses rêves.

Et les Chinois, là-dedans, pauvres Chinois, qui doivent se modeler et obtempérer aux injonctions de leur propre administration, puis de la française : ceux qui y parviennent et ont malgré tout cela l’impression d’être heureux en France sont des héros.

 

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commentaires

F
Moi ce que j'aimerai comprendre, c'est de quels "anonymes morts" parle exactement Greg , je ne comprends pas trop. Sinon d'accord avec lui pour dire qu'avec la mondialisation (qui n'est pas tres original comme le souligne Elbolavir, quand aux propos d'Attali, disons que ça fait chic et peut redorer le blason des intellectuels précaires nomades que nous sommes tous un peu , question de génération il me semble, mais ca s'arréte là, on dirait des propos genre debut 20eme) la mondialisation, donc cela semble, c'est un peu si on exagere "la Chine pour tous", j'espere que je me fais bien comprendre. "Un marche ou creve mondial" en quelque sorte, mais j'exagere peut-etre un peu (quoique...);
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G
Oui, il arrive qu'on soit surpris de la diligence des services chinois. Il faudra que ça arrive en France mais je ne sais pas à la faveur de quel bouleversement. Simplifier les procédures, ça pourrait devenir un sujet de campagne électorale.
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E
Faire venir un ami ou une amie en France pour une petite visite est tout aussi compliqué et stressant. Après l échec de mon amie (fonctionnaire chinoise, elle prétendait être capable de monter un dossier) il a fallu que je vienne sur place à Pékin me faire expliquer ce que le consulat veut vraiment trouver dans le dossier (ce qui a permis à l agent du consulat de m 'aider sans enfreindre la rêglementation qui interdit de dire pourquoi un visa a été refusé). Cette fois ça a fonctionné. L obsession de l administration est l idée que le titulaire du visa restera en France dans l illégalité. Efforts complètement vains. Parmi les Chinois de France que je connais, la moitié sont entrés illégalement ou en abusant du droit d asile, et ça doit bien représenter la population de la petite Chine en France. La France est un pays qui persécute les gens qui veulent respecter la loi et n applique pas la loi à ceux qui la méprisent. C est comme ça. L inverse de la Chine où, pour entrer ou rester, il suffit de demander la permission, mais où celui qui prétend rester sans permission est expulsé (et éventuellement rançonné). Pour l instant, j ai une idée favorable de l administration chinoise. Pour déposer ma demande de permis de séjour au bureau de la sécurité publique, j avais prévu une demi-journée. Les formalités ont duré un quart d heure. Il y a un préposé aux photocopies et un photographe officiel sur place pour ceux qui n ont pas tout apporté. La fonctionnaire en uniforme a corrigé elle-même les erreurs que j avais faites en remplissant le formulaire et me l a expliqué. J enverrais bien une équipe de ce bureau faire de la formation à la préfecture de ma résidence en France.
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G
Merci Greg pour ce commentaire ardent et detaille, meme si je ne suis pas certain d'y deceler un lien necessaire avec mon billet. Ca n'a pas d'importance, remarque, il est bon de dire ce qu'on a sur la patate.
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G
Je me sens mal à propos en revenant sur mon  post: veuillez excusez les  répétions et les fautes grammaticales d'un auteur peu sérieux. On en compte a foison, susceptibles de gener même la lecture de ce mauvre texte.<br /> Souvenez vous en revanche des anonymes mentionnés.
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